Il était une petite abeille nomade qui avait bien
du mal à vivre dans la campagne. Ses ancêtres s’étaient vus décimés depuis des
générations, des camps de la mort organisés mais tus aux yeux de tous. On lui
avait imposé un carnet de circulation qu’elle devait présenter à chacun de ses
déplacements car elle vivait en ruche nomade, donc sans domicile fixe.
Difficile de ne pas vivre comme tout le monde. Sa ruche était certes bien plus
spacieuse que les gîtes naturels des espèces endémiques car tout devait être
concentré dans cet espace de vie unique. Elle avait le monde à découvrir et une
liberté jalousée. Petit à petit on lui a refusé de vivre comme elle
l’entendait, la parquant avec d’autres ruches nomades, concentrant les
populations et accentuant la concurrence alimentaire. Elle s’est donc pliée à ce nouveau
concept de vie : partager l’espace avec une quantité astronomique de
ruches nomades. Pour s’installer sur de nouveaux champs, elle du s’imposer avec
les autres ruches devenues ses compagnes d’infortune. On les décriait :
voleuses de pollen, mangeuses de miel. Elles ne demandaient pourtant qu’à vivre
comme l’avaient fait leurs parents : un mode de vie ancestrale et
finalement bien plus endémique que la plupart des espèces installées dans la
région. Mais l’ignorance est source de peur et de rejet. Elle était donc
rejetée, ramenée à sa triste condition d’abeille nomade. Comme elle n’était pas
plus intelligente que les autres, une haine tenace germa dans son petit corps
d’insecte et elle se mit à piquer pour se défendre des intrus qui traînaient
aux abords de sa ruche. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était tant
rejetée. Oui elle ne voulait pas vivre comme les autres parce qu’on ne lui
avait pas appris à vivre ainsi. Elle respectait les traditions de son peuple.
Elle devait désormais entrer en lutte et la guerre n’était pas loin. Il était
trop tard pour résoudre ce conflit : on ne s’inquiète de l’épine que
lorsqu’elle est dans le pied. Dans ce monde uniformisé, où tout est dicté par
les lois, où plus personne ne comprend son voisin, il manquait une grosse dose
de tolérance pour laisser vivre la petite abeille nomade. Et doucement, après
des heurts violents, des manifestations de rejet, l’abeille nomade se mit
disparaître. Et c’est quand il ne resta plus que quelques abeilles nomades que
le monde comprit qu’il avait perdu sa biodiversité, la richesse de sa culture
avec sa multitude d’espèces toutes différentes mais essentielles à la
compréhension du monde. Tout être est unique et a le droit à cette différence.
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